Pelargir, son port, ses bateaux, sa saltimbanque...

Les quais... Repère bien souvent de biens de gens peu recommandables pour la haute société. Des marins aux habits usés par le sel marin allaient et venaient, certains transportant de lourdes caisses, d'autres transmettant des messages, ou encore certain déambulant simplement à la recherche d'une bonne auberge pour se reposer de leurs voyages, ou pour trouver quelque animation pour tromper l'habituelle monotonie qui pouvait régner à bord.
Parmi eux on pouvait retrouver également des voyageurs, des marchands, de simples badauds ou encore des voleurs et autres personnes sans le sou cherchant à subtiliser son gagne pain de la journée.

Anginnas arriva bien vite aux abords des quais. Il se méla à son animation, silhouette silencieuse qui marchait sans un mot mais l'oreille et les sens aux aguets. Un homme mal rasé et plutôt fluet tenta de s'approcher discrètement de lui par derrière mais un soudain regard bien peu commode le dissuader de tenter plus avant. Et en vérité il s'empressa de s'éloigner car il avait senti que sa cible était du genre dangereuse...

Il continua sans plus de soucis, ne percevant que bien peu d'informations intéressantes parmi les discussions animées. Ses pas le menèrent au bord de l'eau, d'un lieu où il pouvait entendre les grelots d'une danseuse. Se rapprochant encore un peu il finit par discerner une jeune femme qui dansait et chantait de belle façon, les couleurs de ses vêtements illuminant le port d'un air de beauté qui n'apparaissait nul part ailleurs dans le quartier.
Anginnas s'arréta un moment pour observer la danseuse, étonné de voir une telle grâce se contenter des simples quais.

Il s'aperçut bien vite que des voix rauques et basses se mélaient à la douce mélodie qu'elle émettait. Il tourna la tête vers leur origine et aperçut trois hommes ayant toute l'allure et l'apparence de brutes sans finnesse, et qui portaient chacun une lame à la taille.

Leurs yeux émettaient une lueur mauvaise, suivant d'un regard mal placé ses mouvements, tandis qu'Anginnas percevait leurs propos vicieux et totalement injurant pour la jeune femme. Ils se mirent à décrire sournoisement les sombres projets qu'ils avaient pour elle dès qu'elle en aurait fini avec sa danse.

Les yeux d'Anginnas se retrécirent, appréciant fort peu ces propos. Il ne bougea cependant pas.

Mais lorsque les trois hommes, impatients face à la durée de la danse dont l'élégance leur échappait, commencèrent à avancer vers elle d'un air mauvais et souriant de toutes leurs dents jaunâtres, Anginnas leur coupa la route et s'adressa à eux de façon fort peu amène, un éclair de colère barrant ses yeux.

"Pas un pas de plus ou vous le regretterez. Faîtes demi-tour et renoncez à vos projets si vous voulez survivre à cette journée."

Ses paroles n'avaient rien de diplomatique mais il ne s'en souciait absolument pas. Le feu qui brulait dans ses yeux témoignait de sa colère et il était fermement campé sur ses jambes, nullement hésiatant. De plus il avait pris garde de laisser une distance suffisante entre lui et les trois hommes pour qu'en cas d'attaque il ait le temps de réagir.


[HRP : J'espère ne pas avoir pris trop de liberté avec ces PNJs improvisés au goût des MJs, et si l'un d'eux veut bien poursuivre avec leur réaction je lui serais reconnaissant]

[hrp : y'a pas d'mal !]

Les trois brutasses furent quelque peu interloquées par la réaction de ce pauvre type. Le plus baraqué et somme toute le chef et donc le plus idiot des trois, racla sa gorge et cracha aux pied d'Anginnas.

T'es qui toué ? 'Spece d'clodo p'ein d'poussière ! T'sais po qui ch'soui moué. Ch'm'en va t'faire un sourire à ma façon t'sais ! Alé tire toué pauv'type ou ch'm'en va t'rosser com'jamais s't'es arrivé ... 'Spece d'clodo !
T'inquites po, t'sais, on va pas l'faire d'mal à la ch'tite, juste un ch'tit coup chacun derrière l'bordel...une catin gratis t'va t'opposer Nan ?

Et l'idiot de service fit un pas en avant, visiblement, il n'avais pas vu l'épée qui pendait sur le coté de notre cher Anginnas...

Madalenna termina sa chanson et resta un instant silencieuse, le nez en l'air, comme inconsciente de ce qui se tramait autour d'elle.
La jeune femme eut un petit sourire et lança un léger sifflement qui resta comme suspendu en l'air.
Nébu bondit et se posa sur l'épaule d'un des malandrins et appuya son bec sur son oeil, n'attendant qu'un signe de la part de sa maîtresse pour achever son ouvrage.
Celle-ci fit quelques pas en direction du nouveau venu, l'observant d'un air curieux, un petit sourire aux lèvres.

-C'est bien aimable à vous de prêter attention à une humble barde.

Elle rangea ses balles et s'assit au bord du quai pour remettre ses bottes.

-Nébu sera heureux de vous donner un coup de main.

Son regard était de glace, lorsqu'elle le posa sur ses éventuels agresseurs. Et tout indiquait que la petite saltimbanque n'était pas aussi innofensive qu'elle le semblait au premier abord.

Madalenna se leva et fit une petite courbette.

-Merci à vous monseigneur. Je ne m'en serais pas aussi bien tirée sans vous.

Nébu lissa fièrement ses plumes et se posa sur son épaule, fixant à présent l'étranger d'un regard suspicieux. Maintenant que la menace s'était carapatée comme des cloportes en déroute, le danger venait de lui.

-Puis-je connaître votre nom? Demanda la jeune femme en s'approchant encore, un grand sourire espiègle sur le visage.

Madalenna sourit et inclina la tête sur le côté d'adorable façon

-Je m'appelle Madalenna. Madalenna Sandragon.

Elle fit une courbette et Nébu peina pour conserver son équilibre.

-Quant à cet emplumé, c'est Nébuchad; mon compagnon de route, garde du corps et pique-assiette grognon.

La jeune femme murmura quelques mots et passa une main dans son plumage. Il cessa presque aussitôt de fixer Loup Solitaire et reporta son attention sur les mouettes qui rasaient les flots.

-Parce que cet endroit me plaît, messire. C'est aussi simple que ça.

Elle l'examina d'un regard curieux, cherchant à percer les pensées qui tourbillonnaient derrière ce visage froid qui ne laissait transparaîre aucune émotion.
C'était étrange. Il semblait à la fois grand seigneur et vagabond, avait l'allure d'un noble personnage mais la vêture d'un guerrier vagabond.
Elle décida de s'en méfier, et ses yeux s'étrécirent trés légèrement, comme toujours lorsqu'elle était sur ses gardes.

-Et moi je me demande bien pourquoi vous avez porté secours à l'humble gueuse musicienne que je suis, dit-elle avec ce même sourire malicieux et un peu moqueur.

Sans attendre la réponse, elle laissa Nébu se poser sur son paquetage et fit quelques pas sur le quai, fredonnant une chanson qui semblait avoir les mêmes sonorités que le ressac des vagues et les cris des oiseaux.

Aux premières paroles de Madalenna, Anginnas jeta un regard quelque peu sceptique sur le quai. La pauvreté a l'état pur était visible en plusieurs endroits, la saleté, les caisses non encore rangées, les morceaux de bois rendus inutilisables par une trop longue impregnation d'eau et dont personne ne se souciait... Un vrai spectacle de désolation citadine. Mais il y avait le fleuve... Les mouettes blanches qui formaient un manteau brillant au dessus de l'onde bleu marine, qui se mouvait d'un calme n'étant troublé que par l'écume de quelques clapotis rebelles. Il sentait toujours un pincement au coeur lorsqu'il observait la mer, ou quelque chose qui lui ressemblait grandement tel ce large fleuve. Cela venait sans nul doute de son ascendance, l'amour pour la Mer des Nùménoréens avait été grand du temps où l'Île n'avait pas encore sombrée, et même après la flotte du Gondor était restée puissante, blafard reflet des marins d'autrefois, mais existant toujours, et unanimement redouté...

Cette observation du large l'empêcha d'apercevoir le léger changement dans les yeux de son interlocutrice. Mais lorsqu'elle reprit la parole, il tourna à nouveau son attention sur elle, avec un léger sourire à la commissure des lèvres.

Il répondit d'un ton où perçait une pointe d'amusement.

"Il faut bien s'entraider entre gueux non?" Son sourire s'élargit un bref instant d'une étrange façon mélant l'amusement et une impression narquoise.
Cependant il redevint bien vite plus sérieux.

"J'ai beau n'être qu'un vagabond cela ne m'empêche pas d'avoir une morale et un honneur. Qu'elle qu'ait été leur cible, de la plus pauvre mendiante à la plus haute dame, je ne les aurais pas laissé accomplir leur dessein.
Et si vous voulez tout savoir, sachez que si nous n'avions pas été dans une cité leurs trois corps seraient étendus sans vie en ce moment même, à mes pieds. De tels hommes ne méritent pas de vivre.

Une lueur féroce et dure comme l'acier luit brusquement dans ses yeux alors qu'il prononçait ses dernières phrases. Et il était palpable au fond de sa voix qu'il ne s'agissait pas de la veine menace d'un fanfaron, mais d'une vérité prononcée par un homme qui parle d'expérience...

Madalenna perçut l'étrange changement dans le ton de sa voix et lui jeta un regard pensif derrière ses cheveux qui dansaient dans les bourrasques.
Elle avait raison de s'en méfier. Il fallait toujours se méfier de toute personne portant une épée et étant capable de s'en servir, si honnête qu'elle fût.

-Vous êtes quelqu'un de bien étrange, messire Loup. Vous semblez accoutumés à la vie ici-bas et pourtant vous avez su garder un semblant de morale... C'est assez rare, je dois l'avouer, surtout parmi les vagabonds de notre espèce.

On sentait poindre l'amertume sous ses paroles. Madalenna avait depuis longtemps perdu toute foi en ses semblables et la confiance était un sentiment qui lui était totalement inconnu.

Elle tourbillonna sur ses pieds et eut un petit haussement d'épaules.

-Je ne sais pas, vous pouvez être n'importe qui, messire. Nous avons tous nos secrets, et vous semblez en avoir plus que quiconque... A commencer par votre véritable nom...

La jeune femme eut un étrange sourire.

-Et puis... Ne pas avoir de morale fait aussi partie de la liberté qui nous est octroyée, vous savez.

Madalenna avait une notion trés personnelle de la morale et de l'honneur, qui ne cadrait pas vraiment avec celle communément admise.

-Je suppose que c'est de ces ennuis dont vous me parliers tantôt, messire Loup.

La jeune femme n'avait plus rien de la petite rêveuse qu'elle était encore quelques minutes avant l'arrivée des gardes.
Son regard s'était durcit et un coutelas avait remplacé les balles à jongler entre ses jolies mains, tandis que Nébu fixait les intrus tour à tour, avec l'air de jauger lequel il allait éborgner le premier.

Ce n'était pas la première fois que Madalenna avait affaire à un ennemi supérieur en nombre et en force. Elle y avait bien souvent laissé des plumes et des grelots, et avait plus d'une fois contemplé son propre reflet dans la lame de la Faucheuse.
Madalenna avait toujours vécu ainsi, dansant en équilibre sur le fil hasardeux de la vie, penchant d'un côté et de l'autre, frôlant plus d'un fois la chute définitive.